C’est une promesse de campagne qui ne verra pas le jour, en tout cas certainement pas dans sa forme envisagée initialement. Le projet de réforme de notre système de retraite par répartition était à la hauteur du système actuel : colossal. Toutefois, la crise sanitaire de la Covid-19 a marqué un coup d’arrêt net au processus législatif alors que le projet de loi instaurant le système universel de retraite était adopté le 4 mars 2020 par l’Assemblée Nationale.
Récemment, le Président de la République s’exprimant sur le sujet estimait que « la réforme était ambitieuse et extrêmement complexe » et qu’elle ne « pourra pas être reprise en l’état ». Néanmoins, le Président ne cache pas sa détermination à modifier le système par une réforme beaucoup moins ambitieuse et finalement similaire à ce que nous avons déjà connu par le passé.
Initialement, le projet était ambitieux : la fusion des 42 caisses de retraite françaises (de base et complémentaire) en un seul et même régime à points pour tous. La promesse d’une simplification à l’extrême de notre système imaginé par le Conseil national de la Résistance et mis en œuvre par l’ordonnance de 1945 se résumait en une phrase : un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous. La Caisse Nationale de Retraite Universelle (CNRU) nouvellement créée devait être l’organisme chargé de fixer annuellement la valeur d’achat et de service de ce point, en respectant le principe selon lequel la valeur de service du point ne pourra jamais baisser.
Compte tenu de la complexité de notre système, cette fusion ne pouvait se faire du jour au lendemain. Ainsi, il était prévu une entrée en vigueur de la réforme dès 2022 avec une période de transition jusqu’en 2037.
Tout d’abord, la génération née avant 1975 ne devait pas être concernée par le régime universel. Les actifs de moins de 50 ans à fin 2024 devait continuer à cotiser jusqu’à leur départ en retraite dans le système actuel.
Ensuite, venait la génération née après 1975 qui a déjà acquis des droits selon les anciennes dispositions, mais qui cotiserait dès 2025 uniquement dans le nouveau régime. Ces derniers auraient donc des droits acquis selon les modalités du régime ancien et du système universel. Au moment de leur départ en retraite, les droits anciens seraient convertis en points du régime universel. Cette même génération 1975, qui aura donc 62 ans en 2037 atteindra l’âge d’ouverture des droits et pourra demander la mise en paiement de ces droits.
Enfin, la génération née à compter de 2004 devait voir l’intégralité de ses droits validés et servis uniquement selon le nouveau système à points.
Il est à noter qu’à l’heure actuelle, la ou les caisses auxquelles l’assuré est affilié (selon son statut : salarié, non salarié, libéral, fonctionnaire …) définissent l’assiette, le taux et les modalités de calcul des cotisations. Avec le régime universel, une seule et unique cotisation à un taux de 28.12% serait à payer pour tous les actifs, quelle que soit leur date de naissance. Provisoirement, la caisse d’affiliation ne serait donc déterminée que par l’âge de l’assuré.
Avec la coexistence des « anciennes caisses » et le régime universel, la complexité du système est encore accentuée pour les cotisants ou bien les entreprises qui auront à gérer des groupes de salariés disposant de règles particulières en la matière. D’autant que la vérification de la carrière, au moment de la conversion des droits du système ancien vers le régime universel fait craindre une opération opaque et une difficulté croissante quant à la vérification et la fiabilisation de la carrière de l’assuré lors de son départ en retraite.
A l’heure actuelle, le projet dans sa globalité est à l’arrêt. La crise sanitaire a poussé le Gouvernement à mettre en pause le processus législatif. Les commentateurs s’accordaient à dire que les délais étaient trop courts compte-tenu des élections présidentielles de 2022 et que le Gouvernement préférait ne pas ranimer les tensions sociales et les protestations des citoyens contre cette réforme.
Se pose la question du sort réservé à d’autres dispositions contenues dans le projet de loi telles que la pension minimale à 1 000€ dès 2022 puis portée ensuite à 85% du SMIC, la refonte du système de la réversion qui garantit notamment pour le conjoint survivant 70% des pensions totales du couple, ou encore l’attribution dès le premier enfant d’une majoration familiale de 5% à partager ou non entre les parents.
C’était sans compter la déclaration récente du Président de la République qui semble rouvrir la porte qu’on pensait définitivement fermée. Néanmoins, ce dernier affirme que la réforme ne « pourra être reprise en l’état ». Ainsi, alors qu’à l’origine était prévu une réforme systémique ambitieuse, il semble qu’un énième réajustement paramétrique soit envisagé.
Plusieurs commentateurs s’accordent donc à dire que le scenario le plus probable est une accélération de la réforme Touraine de 2014 qui prévoit notamment un allongement progressif de la durée de cotisation requise pour bénéficier du taux plein jusqu’à 43 annuités soit 172 trimestres pour la génération née à partir de 1973.
Il est possible d’imaginer une augmentation de l’âge légal de départ, aujourd’hui fixé à 62 ans, pour le porter à 63 ou 64 ans. Ce scénario permettrait d’inciter les assurés à repousser leur départ en retraite, synonyme de cotisations supplémentaires et d’économie pour les caisses. Toutefois, cette piste pertinente du point de vue financier rappelle les vives oppositions des citoyens et des syndicats au sujet de l’âge pivot contenu dans le projet de réforme initial.
Le rapport annuel du COR du mois de juin 2021 nous éclaire sur les conséquences de la crise sanitaire sur l’équilibre financier des régimes. En effet, les projections amenaient à un déficit de 23.5 milliards d’euros à la fin 2020. Finalement, il n’est « que » de 18 milliards d’euros, sans prendre en considération le versement ponctuel de 5 milliards d’euros depuis le Fonds de réserve pour les retraites.
De plus, le COR (Conseil d’Orientation des Retraites) nous précise que « malgré le contexte de la crise sanitaire et le vieillissement progressif de la population, les évolutions de la part des dépenses de retraite dans le PIB resteraient sur une trajectoire maitrisée à l’horizon de la projection, c’est-à-dire 2070 ». Et ce, malgré la forte diminution des cotisations en 2020 liées notamment « au recours massif au chômage partiel, à la baisse du nombre de salariés ainsi que les reports de paiement décidés pour les travailleurs indépendants ».
Pas de panique, donc ?
Rien n’est moins sûr car dans le même temps, le Président du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux, martèle qu’une seule solution est envisageable pour préserver le système : travailler plus longtemps, « probablement jusqu’à 64 ans ».
En définitive, si l’on croyait la réforme des retraites renvoyée aux calendes grecques du fait de la crise sanitaire et des prochaines échéances électorales, les récentes déclarations du Président de la République laissent à penser que le Gouvernement actuel planche sur un projet beaucoup plus modeste d’énième ajustement des paramètres, sans s’attaquer finalement au mastodonte. Nos 42 caisses de retraite ont donc encore gagné quelques années de vie supplémentaires …