En cas de départ à l’étranger afin d’y exercer une activité professionnelle, deux situations au regard de la protection sociale et donc de la retraite sont à distinguer.
Premièrement, le détachement signifie que pour toute la période durant laquelle vous allez travailler à l’étranger, vous restez affilié au régime de sécurité sociale français. Ainsi, vous continuez à verser des cotisations au régime général de la sécurité sociale mais aussi au régime de l’AGIRC-ARRCO.
Deuxièmement, l’expatriation signifie que vous n’êtes plus lié aux régimes français. Vous êtes dorénavant affilié au régime de sécurité sociale du pays dans lequel vous travaillez. Dans ce cas, vous ne cotisez plus aux régimes de retraite obligatoires français et n’acquérez donc aucun droit durant toute la période d’expatriation.
Toutefois, afin de tempérer l’incidence de l’expatriation sur les droits, la France a conclu des conventions bilatérales de sécurité sociale avec une trentaine d’Etats afin de coordonner les règlementations vieillesse de chaque Etat signataire et la réglementation française.
De plus, au niveau de l’Union Européenne (Etats Membres de l’Union Européenne, Suisse, Islande, Croatie) deux accords de sécurité sociale ont été conclus pour régler la situation des travailleurs ayant exercé des activités salariées ou non salariées au sein de cet espace.
Dans la mesure où chaque accord est négocié avec un Etat, des règles particulières peuvent s’appliquer selon le ou les Etats dans lesquels vous avez travaillé. Il est donc nécessaire de se rapporter aux textes réglant votre situation compte tenu de votre parcours.
Néanmoins, des principes communs peuvent se retrouver dans ces accords ou conventions de sécurité sociale.
Ces accords et conventions de sécurité sociale vont donc avoir une incidence significative sur la durée d’assurance totale permettant de déterminer la date de l’obtention de votre taux plein ainsi que sur le calcul de votre pension du régime général en fonction de la durée d’expatriation.
Tout d’abord, les périodes accomplies dans un Etat avec lequel la France a conclu une convention bilatérale de sécurité sociale sont retenues dans la mesure où elles ne se superposent pas avec une autre période d’activité.
Dans les faits, des trimestres sont accordés et ajoutés à la carrière française pour ces périodes d’activités à l’étranger, seulement si elles ne se superposent pas avec une autre activité (on ne peut valider que 4 trimestres par an) et si cette période est effectivement reconnue par le régime local d’assurance vieillesse.
La reconnaissance de cette période et des trimestres correspondants permet ainsi d’augmenter la durée d’assurance totale et donc la date de départ à taux plein.
Les Institutions de chaque Etat sont donc (par principe) dans l’obligation de communiquer entre elles les informations relatives aux carrières des travailleurs expatriés.
En réalité, et compte tenu de notre expérience, aucune automaticité des transferts de données n’est mise en place. Si vous avez été expatrié, vous devrez demander à la caisse française la reconnaissance de la période en cause et parfois même demander vous-même au bon interlocuteur votre relevé de carrière étranger afin que les informations relatives à votre parcours soient prises en compte par chaque Institution. Vous devrez également vérifier que l’intégration de la période est correctement enregistrée.
Ces tractations entre les caisses peuvent durer des semaines voire des mois, certains Etats étant plus enclins à répondre que d’autres. Il est donc nécessaire d’anticiper et de ne pas attendre l’introduction de votre demande de retraite auprès des institutions françaises pour faire reconnaitre vos périodes de carrière à l’étranger.
Dans le cadre des accords conclus au niveau de l’Union Européenne et de ses partenaires, le même principe de reconnaissance des périodes effectuées dans un Etat Membre s’applique.
Enfin, si vous avez été expatrié dans un Etat avec lequel la France n’a conclu aucune convention bilatérale de sécurité sociale, alors cette période ne sera pas retenue par l’Institution française pour le calcul de vos droits.
Dans cette situation, il vous est possible de souscrire à titre volontaire auprès de la Caisse des Français de l’Etranger (la CFE), une couverture vieillesse pour toute la durée de l’expatriation. Ainsi, vous validerez des trimestres et des revenus au régime général comme si vous étiez salarié sous contrat de droit français. Néanmoins, vous serez redevable de la part salariale et de la part patronale des cotisations. De plus, il est également possible de souscrire à titre volontaire au régime de l’AGIRC-ARRCO via les caisses CRE-IRCAFEX gérés par le groupe Malakoff-Humanis. Là encore, vous serez redevable de la totalité des cotisations que vous et votre employeur auraient versé si vous étiez salarié de droit français.
La question de l’expatriation et de la reconnaissance des périodes de carrière à l’étranger se complexifie lorsque vous avez travaillé dans au moins deux autres Etats avec lesquels la France a conclu respectivement une convention bilatérale de sécurité sociale.
En effet, dans pareille situation, selon l’interprétation de la règle de droit par les services du régime général, un assuré ne peut faire valoir l’application à sa carrière que d’une seule convention bilatérale de sécurité sociale.
En conséquence, si vous avez exercé dans deux Etats avec lesquels la France a conclu une telle convention, seule la période qui vous est la plus favorable sera retenue par la caisse. Il s’agit en réalité de la période vous permettant de valider le nombre de trimestres le plus important.
Certaines conventions quant à elles (comme celles conclues avec le Brésil, l’Inde ou le Maroc) permettent de faire appel aux durées d’assurance acquises dans un autre Etat si ce dernier est lié par une convention de sécurité sociale aux deux Etats et prévoit des règles en matière de coordination des régimes vieillesse.
En définitive, si vous avez déjà été expatrié dans un Etat et que vous prévoyez une autre expatriation dans un autre Etat, il sera nécessaire de rechercher si toutes les périodes pourront effectivement être reconnues par le régime français pour déterminer votre durée d’assurance totale. A défaut, une affiliation à la CFE doit donc être envisagée.
A contrario, si vous exercez plusieurs activités comme expatrié dans plusieurs Etats signataires des accords de sécurité sociale au niveau de l’Union Européenne, toutes les périodes qui ont été accomplies dans le champ d’application des accords seront reconnues par le régime français, tant qu’elles ne se superposent pas, pour déterminer votre durée totale d’assurance, et donc la date de départ à la retraite à taux plein.
Le second enjeu de la reconnaissance d’une période d’expatriation porte sur la méthode de calcul de la pension du régime général.
En effet, selon les dispositions propres à chaque convention bilatérale, au moment du calcul de la pension, la caisse française pourra proratisée ou non la pension servie en fonction de la durée d’assurance accomplie dans le régime français.
Par exemple, dans le cadre des accords conclus au niveau de l’Union Européenne, la caisse va calculer votre « retraite nationale » et votre « retraite communautaire ». Le montant le plus élevé vous sera alors versé.
La « retraite nationale » est calculée en écartant vos périodes d’activités à l’étranger. Ensuite, la caisse détermine votre « retraite communautaire » qui est elle-même calculée en deux temps. D’abord, la caisse établie votre pension comme si toutes les périodes de travail avaient été réalisées en France.
Ensuite, la « retraite communautaire » est proratisée en fonction de la durée d’assurance réellement accomplie dans chacun des Etats en cause. La pension servie sera donc la pension la plus favorable entre la « retraite communautaire » proratisée et la retraite nationale.
D’autres règles peuvent vous être appliquées en fonction de la convention applicable à votre situation.
Pour être encore plus clair car il faut dire que le sujet est plus que complexe, voici un exemple :
Monsieur Magiro, est né en 1961. Pour être à taux plein, il doit valider 168 trimestres.
Il compte demander ses pensions en 2023 à 62 ans.
A cette date, il aura validé 131 trimestres en France et 40 trimestres en Italie. Son salaire annuel moyen est de 30 000€.
1. Calcul de la pension nationale
La pension de retraite est calculée en ne prenant en compte que les droits acquis dans le régime français.
Pour Monsieur Magiro, la pension sera donc calculée de la manière suivante, à taux minoré compte tenu des trimestres français cotisés :
30 000 * 131/168 * 37.5% = 8 772 €
2. Calcul de la pension communautaire
Cette phase se décompose en deux étapes :
a) Calcul de la pension théorique
La pension est calculée comme si la période effectuée à l’étranger était en réalité cotisée en France. On intègre donc les trimestres étrangers au nombre de trimestres cotisés, le taux de la pension est quant à lui revu.
Ainsi, pour Monsieur Magiro, on intègre fictivement les trimestres italiens aux trimestres cotisés, il valide au total 171 trimestres (131+40) et a donc le taux plein.
30 000 * 168/168 *50% = 15 000 €
b) Calcul de la pension proratisée
La pension théorique est proratisée en fonction de la durée d’assurance réellement cotisée dans le régime français.
15 000 * 131/168 = 11 696 €
La caisse compare le montant de la pension nationale et la pension européenne, la plus favorable est servie.
Dans le cas de Monsieur Magiro, la caisse lui servira donc la pension européenne.
En conclusion, si vous avez été ou envisagez de travailler à l’étranger sous contrat local, il est important de savoir si l’Etat en cause a conclu avec la France une convention de sécurité sociale ou non. Si vous approchez de votre date de départ, il est temps de faire le point sur cette ou ces périodes d’expatriation qui peuvent vous permettre de bénéficier du taux plein plus tôt que ce que vous pensez !